L’Afrique sahélienne

Manifestation à Niamey, Niger, juillet 2023

Coups d’État de 2020 et 2021 au Mali sur fond d’extension du djihadisme, coup d’État en 2022 dans un Burkina Faso coupé en deux par la violence et l’insécurité, coup d’État en 2023 au Niger conduisant à une crise avec la France.

Cette région de l’Afrique additionne, plus que d’autres régions du continent, gouvernements faillis, coups d’État militaires – 10 au Burkina, 8 au Mali et au Niger, 7 au Tchad et en Mauritanie depuis l’indépendance, guerres civiles et djihadisme islamique, pauvreté et migrations. 

Pour saisir au mieux la situation actuelle de l’Afrique sahélienne, il faut en dresser la toile de fond.

I. Le Sahel, une géographie et des peuples

1. Le Sahara et le « rivage » du Sahel

Le Sahel s’inscrit d’abord dans sa géographie.

Les changements climatiques intervenus ces 10 000 dernières années ont fabriqué la région du Sahara et du Sahel.

Il y a 10 000 ans, durant la « phase humide » du néolithique africain, le Sahara est vert, fait d’une très grande savane fertile. Il y a alors toute une civilisation néolithique saharienne entre – 8000 et – 5000. À cette époque, le Sahara, foyer civilisationnel le plus avancé du continent dont témoignent les peintures de scènes de chasse sur les rochers du désert du Tassili ou les fossiles de la région du lac Tchad – grand à cette époque comme la mer Caspienne –, est un grand carrefour de civilisation et d’échange entre le nord et le sud de l’Afrique. Puis, à partir de – 5000, le Sahara devient aride et désertique. Les conséquences en sont l’arrêt de la civilisation néolithique saharienne, l’exode des populations sahariennes vers le sud et le fleuve Niger ou vers l’est et le Nil.

C’est le point de départ de la civilisation égyptienne.

Le Sahara « carrefour » devient le Sahara « barrière ». Le Sahara est la frontière naturelle des colonies grecques, puis de l’Empire romain. Seuls des Berbères nomades réussissent à s’implanter, devenant les nouveaux maîtres du Sahara jusqu’à la colonisation française. Le Sahel signifie le « rivage » en arabe. C’est le nom que donnent les caravaniers arabes à ce long couloir de 4 000 km de long allant d’ouest en est du Sénégal à l’Érythrée, et du nord au sud du désert saharien à la savane.

Sahel et Sahara (frontières actuelles)

2. Les peuples du Sahel

La terre du Sahara et son « rivage » sahélien ont fabriqué les hommes du Sahel. Le profond clivage entre les différents peuples des États sahéliens actuels s’éclaire par la géographie de la région où se succèdent déserts, savanes et zones agricoles humides.

Cohabitent dans la région sahélienne les peuples « blancs » du désert saharien et les peuples « noirs » de la zone méridionale de la savane. Pastoraux ou agricoles, ces peuples sont très différents car liés de façon très différente à la terre.

A. Les peuples « blancs » sahariens (Maures, Touaregs et Toubous)

À l’ouest du Sahara, les Maures sont un assemblage de populations berbères et de populations arabes arrivées tout droit d’Arabie au 15e siècle. Il se forme ainsi, dans cette région saharienne occidentale, la future Mauritanie. Il y a deux grandes populations maures : les Réguibat, ces Berbères arabisés et islamisés venus du sud du Maroc en Mauritanie et au Sahara occidental ; et les Bérabich, des Arabes chameliers du nord du Mali transporteurs de sel.

Au centre du Sahara, siège actuel des États du Mali, du Burkina et du Niger, s’installent dès l’Antiquité les Touaregs, des Berbères nomades venus de l’Algérie possédant leur propre langue et leur propre culture. Ils sont aujourd’hui à peine 3 millions.

Ceux qui s’appellent eux-mêmes les « hommes libres », les seigneurs du désert, sont la seule population à avoir habité constamment le Sahara aride. Cette population berbère s’est divisée en une dizaine de grandes confédérations subdivisées elles-mêmes en tribus et clans. Les Touaregs assurent pendant des siècles la gestion des routes caravanières de l’or, du sel et des esclaves, au profit des Empires arabe et ottoman.

À l’est du Sahara, c’est-à-dire le Tchad actuel, sur la zone à cheval entre la Libye, le Niger et le Tchad, sont présents les Toubous, « le sang du Tibesti », déjà cités par Hérodote, nomades éleveurs de chameaux ou de bovins ; et les Zaghawas, tribus berbères nomades sur une zone à cheval entre le Soudan et le Tchad, de tradition guerrière.

L’extension croissante du désert saharien conduit au fil des siècles tous ces peuples « sahariens » munis de dromadaires et pratiquant le nomadisme à repousser de plus en plus au sud du Sahel les populations noires.

B. Les peuples « noirs » du Sahel

Les peuples de la savane sont eux-mêmes divisés entre les peuples pastoraux nomades et les peuples laboureurs sédentaires.

Les Peuls sont le principal peuple pastoral de la savane sahélienne. Ils sont aujourd’hui 60 millions. Population typée au teint cuivre, elle est issue probablement de l’ancienne population saharienne du néolithique. Du fait de l’extension du désert saharien, les Peuls ont reculé progressivement vers le sud jusqu’aux fleuves Niger et Sénégal.

C’est une population unie par sa langue et son mode de vie, c’est-à-dire le nomadisme pastoral pratiqué dans tout l’ouest africain (« le Peul suit la vache »). Dans toute leur histoire, les Peuls ont dû se frayer un chemin pour circuler avec leurs troupeaux et utiliser les puits dans des territoires occupés.

Les grands peuples sédentaires noirs du Sahel sont les suivants :

  • Les Haoussas, établis au départ dans le Sahel central, se greffent sur les routes transsahariennes et se répandent dans tout l’ouest africain, d’où la langue haoussa devenue la langue véhiculaire de l’ouest africain.
  • Les Bambaras, une population faisant partie de l’ethnie mandingue, principalement établie dans le sud du Mali et au Burkina, édifient au 17e siècle le royaume bambara de Ségou.
  • Les Songhaïs, peuple également issu des populations sahariennes du néolithique descendues sur Gao et le fleuve Niger, héritiers de l’ancien Empire songhaï du 14e siècle, se partagent entre activité pastorale et agriculture sédentaire.
  • Les Dogons, peuple de la région centrale du Mali ayant sa langue propre, resté animiste, célèbre pour ses sculptures en bois et ses masques, se réfugient au sud-est du Mali dans les falaises de Bandiagara pour se défendre de l’islamisation ainsi que de la pression des Mossis et des Peuls.
  • Les Mossis, ethnie dotée de sa langue, surtout présente au Burkina, constituent au 16e siècle divers royaumes autour de la ville de Ouagadougou.

Tous ces peuples sont des agriculteurs, sédentaires, vivant dans leurs villages de leurs récoltes. Ils représentent ce que l’on a appelé « la civilisation des greniers ». Ils ont toujours été porteurs d’une culture de la fécondité, nécessaire pour la culture de la terre, d’où le fait que les États sahéliens, malgré leur pauvreté, soient restés parmi les plus féconds du monde.

Ainsi, la région du Sahel assemble-t-elle des peuples dont la géographie, l’activité économique et la culture sont hétérogènes. Ils s’affrontent continuellement pour le contrôle de cette zone intermédiaire du Sahel, entre le désert et le fleuve.

II. Le Sahel, son histoire

À l’image de toute l’Afrique subsaharienne, le Sahel a une longue histoire avant la courte histoire coloniale. Ces deux histoires l’ont façonné.

1. L’âge d’or du Sahel (8e-16e siècles)

Du 8e au 16e siècle, le désert saharien constitue l’axe nord-sud du continent africain : voie de passage exclusive du commerce entre l’Afrique du Nord et le reste du continent africain, trajet des pèlerinages africains à la Mecque, route de l’esclavage des Noirs vers les Empires arabe et ottoman. D’où le rôle stratégique de la zone sahélienne, carrefour entre la Méditerranée, l’Orient et l’Afrique noire, grâce aux routes transsahariennes.

Cette prospérité commerciale et économique donne naissance à une histoire politique prestigieuse. Pendant huit siècles, le Sahel est dominé par trois grands empires successifs, regroupant de nombreux royaumes tribaux et s’étendant de l’Atlantique au grand désert saharien : les empires du Ghana, du Mali et l’empire Songhaï.

A. L’empire du Ghana

L’empire du Ghana est fondé au 8e siècle par les Soninkés, importante ethnie noire établie entre la Mauritanie et le Mali, restée fidèle à la religion traditionnelle mais tolérante à l’égard de l’islam. Elle tire sa richesse du commerce transsaharien. Celui-ci repose sur l’échange de produits nord-africains de l’artisanat, des tissus, des produits agricoles comme le blé et les dattes, des chevaux, contre le sel et l’or extrait des territoires aurifères de Mauritanie et du Mali, l’ambre, les esclaves, ainsi que le kola, la drogue de l’époque.

La chute de l’empire du Ghana se produit au 11siècle du fait de l’invasion par les Berbères almoravides, futurs fondateurs du Maroc, obligeant les Soninkés à se replier vers les actuels Guinée et Ghana.

B. L’empire du Mali

L’empire du Mali est un royaume sahélien fondé au 13e siècle par un clan malinké, appartenant à l’ethnie mandingue établie au sud du Mali. Le chef de ce clan malinké, le roi Soundiata Keïta, se convertit à l’islam. « L’empire de l’hippopotame » conquiert la région de l’Atlantique à la boucle du Niger, couvrant les actuels Sénégal, Guinée, Burkina, Mauritanie et Mali. Il doit sa richesse et sa puissance à la maîtrise de la nouvelle route transsaharienne du Sahara central où les caravanes chamelières maures et touaregs vont du Maroc au fleuve Niger par le Hoggar et Gao pour s’approvisionner en or et en cuivre et pratiquer la traite des esclaves. C’est le début de la richesse des villes de Tombouctou, « la ville aux 333 saints », et de Djenné, l’une des cités les plus anciennes de l’Afrique sahélienne.

L’empire du Mali a une vie brève. Après avoir atteint son apogée au 14e siècle, il disparaît au 15e siècle, du fait des Touaregs au nord, du royaume Songhaï à l’est, des Peuls à l’ouest et, enfin, de l’arrivée des Portugais.

C. L’empire songhaï

Au 14e siècle, l’empire songhaï est fondé par la tribu songhaï des Sonnis qui veut préserver la religion traditionnelle face aux Touaregs et aux Peuls islamisés. Mais les Sonnis, créateurs du nouvel empire, sont renversés au 15e siècle par la dynastie musulmane des Askia qui donne toute sa puissance au nouvel empire. L’empire songhaï est centré sur Gao et Tombouctou, cœur du nouveau circuit caravanier saharien. Tombouctou devient un grand centre d’élites marchandes et une capitale économique, culturelle et religieuse, l’un des phares de l’islam.

Au 16e siècle, l’empire songhaï est vaincu et occupé par le Maroc qui devient alors le « grand Maroc », de Tanger à Tombouctou.

2. Le déclin du Sahel (16e-19e siècles)

La disparition de l’empire songhaï signifie la décadence politique du Sahel. Celui-ci, désormais sous la dépendance marocaine, est morcelé entre de petits royaumes faibles et instables.

Il y a notamment le royaume bambara de Ségou, adossé au fleuve Niger, fondé par la dynastie des Coulibaly au 17e siècle, un peuple resté attaché à la religion traditionnelle et non converti à l’islam. Ce royaume devient un grand empire au 18e siècle, résistant deux siècles durant à la vague musulmane avant de péricliter dans les disputes familiales et d’être finalement conquis au milieu du 19e siècle par le futur royaume peul musulman toucouleur.

Le souvenir de cette page d’histoire, d’abord glorieuse puis tragique, demeure fortement présent au Mali, notamment dans la relation entre Bambaras et Peuls.

Le 16e siècle marque aussi la fin de la prospérité commerciale du Sahel.

La recherche portugaise de la route du sud vers les Indes par l’Atlantique conduit à la première occupation européenne des côtes africaines. La côte occidentale de l’Afrique prend rapidement la place du Sahel. Le commerce de l’or et la traite des esclaves se fait désormais de l’Afrique centrale, recouverte de forêts, à la côte occidentale. « La victoire de la caravelle sur la caravane » conduit au déclin des circuits transsahariens entre Sahel et Maroc.

Le Sahel devient alors une zone appauvrie où le désert s’étend, ainsi qu’une zone instable où le commerce disparaît quasiment et où les villages des agriculteurs sédentaires, surtout installés dans la boucle du Niger, sont l’objet des razzias des Touaregs.

3. Les djihads sahéliens des Peuls (18e-19e siècles)

La descente vers le sud du Sahel des Peuls les conduit à mener, à la fin du 18e siècle, un djihad au nom de l’islam contre les populations noires sédentaires auxquelles ils étaient jusqu’alors soumis. La révolte « religieuse » des Peuls a un double objectif : l’objectif économique de l’appropriation de terres pour les troupeaux et l’objectif politique de la création de royaumes peuls.

Ce djihad donne naissance à quatre royaumes islamistes créés au cours du 19e siècle par des Peuls membres de confréries islamiques, notamment la grande confrérie de la Qadiriyya d’inspiration sunnite radicale.

Les deux royaumes peuls les plus importants sont les suivants :

  • Le royaume de Macina, établi en 1818 dans la zone de Ségou à Tombouctou, se construit à partir de la révolte peule contre leurs maîtres noirs bambaras et dogons.
  • Le royaume toucouleur est bâti au milieu du 19e siècle par El Hadj Omar, un Peul membre d’une importante confrérie ayant vécu longuement en Arabie, animé par la volonté de l’islamisation de tout l’ouest africain. Ce royaume islamiste toucouleur s’étend de l’actuel Mali au Burkina et à la Guinée. Comme les précédents royaumes peuls, il s’établit contre les Bambaras.

Ainsi, durant presque tout le 19e siècle, le Sahel est sous la domination de royaumes peuls musulmans radicaux en recherche constante de pâturages sous couvert du djihad et de la charia. La colonisation française met fin à cette ère peule islamique au Sahel. On peut considérer qu’il y a ainsi aujourd’hui une sorte de retour à cette histoire précoloniale. La mémoire de ces royaumes peuls est toujours présente chez les uns et les autres. Les Peuls ont la mémoire de leur grandeur passée du 19e siècle alors que les Bambaras ont gardé le souvenir de l’oppression peule de cette époque.

*

Ce qu’il faut retenir de cette « longue histoire » du Sahel d’avant la colonisation est que, si le Sahel a connu de grands empires commerçants puis des États peuls musulmans pratiquant le djihadisme, tous ces ensembles n’ont jamais été solides et ont été de courte durée. Ils ont assemblé, sous l’égide de dynasties familiales provenant d’une ethnie particulière, un ensemble de populations hétérogènes qui se gèrent elles-mêmes dans leurs villages et leurs communautés, sans qu’il se bâtisse des États et des peuples unifiés, à la différence de ce qui a lieu à la même époque au Maroc ou en Éthiopie.

La fragilité et la courte durée des empires et des royaumes sahéliens contrastent avec la permanence multiséculaire des ethnies regroupées dans les empires, toutes restées autonomes. La longue histoire de l’Afrique sahélienne est d’abord l’histoire de ses peuples, donc de ses ethnies, qui forme le soubassement de toute construction politique en Afrique.

4. Le Sahel français

De 1890 à 1960, c’est 70 années de colonisation française du Sahel. C’est à la fois beaucoup et peu. En quoi la colonisation a-t-elle transformé le Sahel ?

La colonisation du Sahel est tardive, débutant dans les années 1890. C’est l’époque où apparaît le projet d’une colonisation africaine d’ouest en est, sur l’axe formé par les fleuves Sénégal et Niger vers le lac Tchad, point de jonction entre les deux grandes zones de la colonisation française que sont la région algéro-saharienne et l’Afrique occidentale française. C’est la naissance du Sahel français, assise géographique du projet d’un empire africain allant du Sénégal à l’Algérie.

La colonisation française du Sahel est difficile, émaillée d’une série de révoltes et de combats. Elle passe par la destruction des royaumes musulmans peuls, « libérant » ainsi les populations noires de la double sujétion de la domination religieuse musulmane et de la traite. En parallèle à la conquête du Sahel se déroule la conquête du Sahara, zone tampon entre l’Algérie et le lac Tchad. Cela passe par la difficile soumission des Touaregs, dernier peuple à résister à la conquête française. Les grandes révoltes touaregs de 1916 à 1917 montrent bien que « les hommes bleus » ne sont jamais subjugués, ce qui est une constante de leur histoire.

Colonisation française en 1914

Les missions militaires et les gouverneurs français fixent des entités administratives sur les territoires conquis : la Mauritanie établie sur le Sahara occidental, le Soudan français sur le futur Mali, la Haute-Volta sur le futur Burkina, le Niger autour du lac Tchad, et le Tchad, pure création militaire. Ainsi la France a-t-elle totalement fabriqué les territoires des futurs États sahéliens.

Or, à l’exception de la Mauritanie, tous ces territoires administratifs réunissent des morceaux de désert saharien et de savane sahélienne, autrement dit des populations hétérogènes faites des trois grands groupes ethniques sahéliens : les ethnies noires sédentaires, les Peuls nomades et les Touaregs, des peuples, parfois antagonistes, aux cultures et aux histoires complètement différentes.

De plus, la colonisation française du Sahel a une vocation surtout impériale dans laquelle le développement économique et culturel est secondaire. En témoignent l’échec des projets économiques cotonniers sur le Niger et l’absence de scolarisation. L’administration du Sahel est « indirecte », sous l’autorité d’un gouverneur prenant appui sur les puissantes chefferies aux modes traditionnels de gouvernance, notamment dans les zones sahariennes. C’est la « doctrine Laperrine » qui se traduit par la totale continuité du fonctionnement des ethnies et des clans sous l’administration coloniale et par la cohabitation fragile des trois populations sahéliennes des Noirs, des Peuls et des Touaregs. Ce « conservatisme » colonial français rend d’autant plus difficile la formation de sociétés intégrées dans les futurs États.

Superposition des empires sahélo-sahariens et des empires coloniaux

III. Le Sahel des cinq États sahéliens (1960-2012)

La décolonisation de l’Afrique française s’est effectuée sans heurt ni conflit armé, de façon consensuelle entre les autorités françaises et les cadres locaux mis en place depuis la loi Defferre de 1956. Lorsque le Mali demande en juin 1960 son indépendance vis-à-vis de la communauté franco-africaine établie par de Gaulle en 1959 et qu’une réaction en chaîne se produit dans toute l’Afrique à l’automne 1960, les nouveaux États sahéliens se créent en douceur : Mauritanie, Haute-Volta (futur Burkina Faso), Mali, Niger et Tchad.

Mais tout est à construire. Comme pour le reste de l’Afrique, le principe de l’intangibilité des frontières coloniales adopté par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) conduit à la reprise intégrale des tracés coloniaux par les nouveaux États sahéliens.

Les États sahéliens partent mal, car ces nouveaux États issus des entités administratives créées par la France au Sahel ne sont au départ que des coquilles vides.

Il faut fabriquer des États en l’absence de toute élite politique, de partis politiques, de presse et d’une administration organisée.

Il faut bâtir des nations, au rebours des divisions ethniques.

Ces divisions touchent notamment deux principales communautés ethniques, les Touaregs et les Peuls. À l’inverse des Maures réunis en Mauritanie et des Toubous établis au Tchad, les tribus et clans des 3 millions de Touaregs sont répartis entre cinq États : trois États sahéliens (2 millions au Niger, 500 000 au Mali, 80 000 au Burkina Faso), l’Algérie (150 000) et la Libye (20 000). Victimes du « rétrécissement » de leur territoire, ils sont les grands perdants de l’étatisation du Sahel qu’ils ont cherché à éviter. En témoigne la fameuse lettre envoyée au général de Gaulle en 1960 dans laquelle les représentants touaregs écrivent : « Rendez-nous notre bien, nous ne voulons pas que les Noirs et les Arabes nous dirigent. » Ignorés des nouveaux pouvoirs en place, ils sont victimes de la fin de la libre transhumance en raison des frontières dressées ainsi que de la contrainte de la sédentarisation et de l’intégration forcée à des États dominés par les « Noirs » qui leur sont totalement étrangers. La crise touareg est la source de la future dérive de cette population vers les trafics (drogue notamment) et la radicalisation religieuse.

Quant aux Peuls, ils sont environ 60 millions, établis dans les nouveaux pays sahéliens (Mali, Burkina et Niger), ainsi qu’au Nigeria, en Guinée et au Cameroun. Partout, ils sont victimes de la nouvelle réalité politique. Les Peuls, population nomade et transhumante, sont fracturés par les frontières et empêchés de nomadiser par les agriculteurs sédentaires à la démographie galopante. La lutte est acharnée entre les cultivateurs des terres et les Peuls ayant besoin de pâturages. Or les nouveaux États consacrent la revanche des sédentaires noirs sur les nomades peuls, leurs anciens maîtres esclavagistes.

L’analyse du grand sociologue de l’Afrique Georges Balandier, faite dès 1960, est pertinente. L’insertion immédiate des États africains dans une société mondiale organisée en dehors d’eux est impossible, eu égard à leur obligation de brûler les étapes. Les États sahéliens sont incapables de relever les trois défis que sont la création d’une administration, la constitution d’une nation et le développement d’une économie.

Examinons l’histoire des cinquante premières années des cinq États sahéliens, celles qui éclairent la crise actuelle de la région.

1. La Mauritanie

Carte de la Mauritanie

La Mauritanie est un État sans aucun passé, qui a dû se fabriquer entièrement.

État sahélien le plus saharien, la Mauritanie a une population faite d’un tiers de Maures arabo-berbères, les Beidanes, un croisement des Berbères locaux fondateurs de l’empire islamiste almoravide du 12e siècle, métissés avec des populations arabes venues d’Arabie au 15e siècle ; un tiers de Haratims, les descendants des esclaves d’origine saharienne ; et un tiers de Noirs venus du sud.

Le pouvoir en Mauritanie, qu’il soit civil ou militaire, est constamment celui des Maures beidanes.

L’homme qui préside aux débuts du nouvel État mauritanien est un jeune avocat issu d’une tribu maure maraboutique, Moktar Ould Daddah. Il gouverne vingt années à l’ombre d’un parti unique.

La crise du Sahara occidental, le ralliement d’Ould Daddah au Maroc sur ce dossier, entraînant la lutte contre le Polisario implanté sur son territoire et les opérations algériennes contre la Mauritanie, provoquent la ruine du pays. Il s’ensuit une crise politique qui aboutit, en 1978, à la déposition d’Ould Daddah par l’armée.

Sur fond de guerre permanente contre le Polisario, la Mauritanie est fragilisée par la succession de juntes militaires de courte durée.

Entre 1984 et 2005, vingt ans durant, Ould Taya, un colonel président issu d’un coup d’État militaire, réussit à garder le pouvoir. Cette période est marquée par la grave crise interethnique qui explose entre Maures et Noirs. Ouverte en 1986 par le manifeste des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) sur le « Négro-Mauritanien opprimé », elle conduit à l’expulsion des sous-officiers noirs de l’armée, au massacre de Sénégalais à Nouakchott et, finalement, à l’opération de 1989 de purification ethnique consistant en l’expulsion d’une centaine de milliers de Noirs et de Peuls vers le Sénégal et le Mali. Ould Taya survit en 2003 à un coup d’État militaire, mais il est victime du putsch de 2005.

Le général Ould Aziz devient le nouveau président, élu et réélu entre 2008 et 2019. Alors que la Mauritanie est le théâtre des premières activités extérieures du djihadisme algérien de l’AQMI dès 2005 et qu’elle est secouée dans les années 2007-2011 par une série d’actions terroristes meurtrières, le président Ould Aziz réalise une pacification réussie, notamment par la réorganisation de l’armée en une force antiterroriste adaptée au désert. Cette réussite est rendue possible par l’absence de branche locale djihadiste au sein de la population mauritanienne, ce qui s’explicable par le fait que le pouvoir est tenu par les Beidanes.

Une autre explication, moins connue, est l’accord secret conclu entre l’AQMI et Ould Aziz en 2010, faisant de la Mauritanie un État protégé des interventions djihadistes en échange de la neutralité mauritanienne dans la lutte antiterroriste. La Mauritanie est le seul pays sahélien qui a réussi par lui-même à assurer sa sécurité face au djihadisme.

Depuis 2019, le général président Mohamed Ould El-Ghazaouani, choisi par son prédécesseur et élu démocratiquement, assure la première transition démocratique réussie en Mauritanie. El-Ghazaouani est un homme modéré et consensuel. Issu d’une lignée soufie de l’islam malékite et d’une influente tribu maure, il est considéré par son peuple comme un « marabout » tout autant qu’un président. Devenue un État stable avec un pouvoir militaire démocratisé, d’orientation « occidentale » et profrançaise, la Mauritanie est aujourd’hui l’exception au Sahel.

2. Le Mali

L’État du Mali s’est constitué sur le territoire du Soudan français. Grand comme deux fois la France, il regroupe trois régions géographiques bien distinctes :

  • La région saharienne du triangle Kidal-Tombouctou-Ga, qui n’a jamais appartenu à personne d’autre qu’aux tribus nomades touaregs, se retrouve du jour au lendemain insérée dans un État qui lui est culturellement « étranger ».
  • La région sahélienne de Mopti-Ségou, faite de steppes et, au sud, de savanes, voit « cohabiter » des transhumants peuls et des agriculteurs sédentaires.
  • La région du sud du pays, autour de Bamako, est peuplée des différentes ethnies noires, dont le groupe dominant des Bambaras.

L’histoire politique du Mali est celle d’un État bâti par le sud contre le nord.

Il y a d’abord les dix années de Modibo Keïta. Il est originaire d’une famille malinkée, l’un des deux groupes principaux, avec les Bambaras, de la communauté ethnique dominante du pays, la communauté mandingue. Agitateur antifrançais dans sa jeunesse, arrivé au pouvoir, il est partisan d’un régime socialisant, à l’idéologie marxiste, en pleine période d’une Afrique décolonisée influencée par le conflit Est-Ouest. Modibo Keïta pratique une politique « antiféodale » d’abolition des chefferies traditionnelles, accompagnée d’une politique socialiste de coopératives villageoises, de monopoles d’État et de milices populaires. Derrière la façade socialiste, la réalité, c’est le népotisme et la corruption, ainsi qu’un clivage ethnique. Modibo Keïta met en place la division économique, culturelle et politique de son pays entre le nord et le sud à partir de la conviction que seul le sud est « utile » et productif avec sa production agricole, qu’il est la « base de la construction du Mali » ; et que le nord des pastoraux et des nomades est aride et inutile. Dès ses débuts, l’État malien monte les uns contre les autres.

Carte du Mali

Une telle politique discriminante entraîne très vite des crispations ethniques. La première révolte touareg survient en 1963, dans le massif montagneux de l’Adrar des Ifoghas, cœur de la grande tribu touareg des Ifoghas. La répression des « hommes bleus » par l’armée malienne, une armée composée exclusivement de deux ethnies noires, les Bambaras et les Dogons, est féroce. La politique de la terre brûlée et l’humiliation des chefs touaregs marquent les jeunes générations touaregs qui partent alors se former militairement dans la Libye de Kadhafi. C’est le début des grandes rébellions touaregs qui se transforment en une guerre civile qui n’a alors aucune dimension religieuse.

En 1968, un coup d’État militaire renverse Modibo Keïta. S’ensuivent les vingt années, de 1968 à 1991, du régime dictatorial de Moussa Traoré, un militaire, également d’origine malinkée, qui abandonne le socialisme de Modibo Keïta, mais garde le parti unique et bâtit un système de contrôle de la population. Traoré a la même politique de discrimination envers le nord du pays et la population touareg que son prédécesseur.

La combinaison de cette politique avec la grande période de sécheresse des années 1970-1980 conduit aux violents combats de la seconde guerre touareg de 1990-1996. La médiation algérienne permet d’aboutir à la conclusion des accords de Tamanrasset sur le statut particulier des populations nordistes. En mars 1991, après des manifestations populaires réprimées dans le sang, Moussa Traoré est renversé par des militaires sous la houlette du colonel Amadou Touré.

Ce dernier met en place un comité militaire chargé de la transition démocratique. En 1992, Alpha Konaré, un universitaire militant, est élu démocratiquement. Il est réélu en 1997. Il s’agit de la première expérience démocratique malienne. Alpha Konaré est le seul président à quitter le pouvoir après dix ans d’un régime démocratique stable.

Cette démocratie en gestation a du mal à se stabiliser dans un pays à l’économie faible, rongé par le népotisme clanique et la corruption. Cependant, Konaré réussit à mettre fin à la seconde guerre touareg en 1996, sans pour autant que la paix ne revienne vraiment dans le nord du pays devenu une « zone grise » abandonnée par Bamako.

En témoignent les troisième et quatrième guerres touaregs des années 2006-2009, toujours menées par la tribu des Ifoghas dans l’Adrar des Ifoghas, alors que l’ex-général Amadou Touré est devenu président du pays. 

Durant les cinquante premières années de son histoire, le Mali, qu’il soit doté de gouvernements autoritaires, militaires ou démocratiques, a été incapable d’affronter l’enjeu de l’unification du pays. De 1960 à 2012, le Mali a connu quatre rébellions touaregs, toutes non maîtrisées par l’armée malienne, toutes achevées par des accords de paix jamais mis en œuvre.

À l’origine de la crise malienne, il y a cette réalité historique. Le Mali a fabriqué une caste gouvernante d’origine bambara et malinkée, couplée d’une armée prétorienne ethnicisée, composée de Bambaras et de Dogons. Préférant s’occuper du sud et délaissant le nord, cette caste n’a jamais voulu bâtir un État substantiel administrant l’ensemble de son territoire.

3. Le Burkina Faso

Carte du Burkina Faso

Le Burkina Faso, siège de l’ancien royaume mossi, zone délaissée durant la période coloniale, est un État enclavé de 20 millions d’habitants, l’un des pays les plus pauvres du monde avec le Niger.

Après une courte période de présidence civile de Maurice Yaméogo, l’armée prend le pouvoir dès 1966.

Jusqu’en 2014, le Burkina est gouverné par un régime militaire. Il s’agit d’abord du régime marxisant de Thomas Sankara, tourné vers le développement économique et l’alphabétisation du pays, et agissant à l’encontre des chefferies traditionnelles.

Après le putsch de 1987 et l’assassinat de son compagnon d’armes Sankara, Blaise Compaoré pratique un régime de « rectification ». Ce régime autoritaire et corrompu est instable. Les émeutes et les troubles meurtriers, dont ceux du printemps 2011, aboutissent à son départ en 2014. Pour la première fois, le Burkina connaît une phase démocratique avec l’élection de Christian Kaboré, un ancien Premier ministre de Compaoré, membre du même parti, surnommé « le Président diesel » pour sa mollesse.

À l’instar du Mali, ces gouvernements successifs, militaires ou démocratiques, sont tous incapables d’assurer l’administration et le développement du pays, notamment dans les régions islamisées peules et touaregs du nord du Burkina, à proximité du Mali et du Niger.

4. Le Niger

Le Niger a connu à peu près la même histoire que ses voisins sahéliens.

Sur le plan humain et ethnique, le Niger est fait de trois populations : les Songhaïs au sud-ouest, les Haoussas au centre et les Touaregs au nord, dans le Ténéré. Le Niger est d’abord gouverné, comme la plupart des autres pays africains, par un homme issu de l’administration coloniale, fondateur du premier parti politique nigérien, Hamani Diori, sudiste de l’ethnie Songhaï. Son parti, entièrement de son ethnie, devient au lendemain de l’indépendance le parti unique, accaparant toutes les positions politiques et administratives. Lui-même est réélu président par deux fois, sans opposants.

Carte du Niger

Hamani Diori, tout attaché à ses activités internationales, dont la francophonie, néglige totalement les affaires intérieures de son pays, l’un des plus pauvres de la planète, victime de la désertification accrue de son territoire saharien et de famines catastrophiques.

Un putsch militaire le renverse en 1974, après quinze années d’un pouvoir stérile et corrompu. Les militaires gouvernent le pays une quinzaine d’années, durant lesquelles ils affrontent les premières révoltes touaregs au nord du pays, « la guerre des sables » de 1990, que l’armée a du mal à mater.

Sous la pression des manifestations de la société civile, les militaires nigériens cèdent le pouvoir en 1991 à un régime démocratique multipartiste présidé par Mahamane Ousmane. Celui-ci est très vite paralysé par les disputes de clans familiaux. L’armée reprend le pouvoir dès 1996. Survient alors une période troublée de dix années, entre 2000 et 2009, dominée par la seconde révolte touareg de 2007-2009, intervenue en parallèle à la quatrième guerre touareg du Mali, qui prend fin à la suite de la médiation de Kadhafi.

Un nouveau coup d’État en 2010 met en place un nouveau régime démocratique issu d’élections libres, administré successivement par les présidents Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum.

Depuis son indépendance, le Niger a vécu cinq coups d’État, de multiples mutineries et quelques périodes démocratiques. Mais tous les régimes qui se sont succédé, « État parti unique », militaires ou démocratiques, ont, comme leurs voisins malien et burkinabé, échoué dans deux tâches : l’unité du pays entre Noirs, Peuls et Touaregs, et le développement.

5. Le Tchad

Le Tchad est aussi divisé entre des régions ethniques individualisées : le sud noir dominé par les Saras, le centre arabisé et le nord berbère coupé en deux entre les Toubous du Tibesti à l’ouest et les Zaghawas de l’Ennedi à l’est.

C’est aussi un État aux mains d’une petite minorité ethnique qui s’approprie la totalité des pouvoirs tout en se déchirant entre clans et familles. À la différence des autres États sahéliens, cette minorité change selon les époques.

Le Tchad est aussi marqué par la relation particulière entretenue avec la France et les sept interventions de l’armée française sur son territoire. Au moment de l’indépendance, François Tombalbaye, un Sara, impose le pouvoir sudiste au travers d’un parti unique et d’une police politique et ethnique toute dévouée. C’est la revanche historique des Noirs sédentaires sur les nomades « blancs » toubous qui les ont razziés et mis en esclavage des siècles durant.

Carte du Tchad

La révolte du nord sera immédiate, sous la forme de la constitution du Front de libération du Tchad (FROLINAT), rassemblant les deux courants toubous de Goukouni Weddeye et d’Hissène Habré, ainsi que le courant des Zaghawas. La répression de ces révoltes est féroce.

En 1969, c’est le début d’une séquence de guerre civile permanente qui s’étend jusqu’en 1990. Le Tchad souffre vingt ans durant, d’abord d’un affrontement ethnique nord-sud classique au Sahel, et ensuite d’une lutte fratricide nord-nord entre tribus toubous. Cette séquence ensanglante et ruine le pays.

La première partie de la séquence est l’appel de Tombalbaye à l’armée française en 1969 pour mater le FROLINAT que l’armée tchadienne n’arrive pas à repousser. C’est la première intervention française en Afrique au service d’un régime en difficulté, la mère de toutes les futures interventions militaires françaises au Sahel. Il s’agit d’une intervention sans « conditionnalité » politique au service d’un régime failli et corrompu. Au moment même où la France intervient pour sécuriser le Tchad vis-à-vis de son propre nord, Tombalbaye lance le mouvement de « tchadisation » destiné à unifier le pays sur des références sudistes, ce qui cristallise encore davantage les clivages ethniques.

Cette première guerre du Tchad est marquée par l’épisode de la détention de l’ethnologue française Françoise Claustre par Hissène Habré durant mille jours.

Tombalbaye, critique de son armée incompétente, est tué durant la mutinerie de la gendarmerie en 1975. L’armée installe alors le général Félix Malloum à la présidence du pays.

La seconde partie de la séquence de la guerre civile tchadienne s’ouvre par la victoire militaire du FROLINAT et sa prise de N’Djaména en 1980. C’est la victoire du nord contre le sud tchadien, la victoire des Toubous contre les Noirs. Débute alors l’affrontement entre les deux leaders toubous, Goukouni Weddeye et Hissène Habré. Le gouvernement du pays est d’abord entre les mains de Goukouni Weddeye, soutenu par le leader Mouammar Kadhafi qui envoie 20 000 hommes au Tchad. Mais Weddeye est renversé en 1982 par Hissène Habré, soutenu par les Touaregs Zaghawas ainsi que par les services de renseignement français. L’opération « Manta », décidée par François Mitterrand, est une action militaire franco-tchadienne contre la coalition Kadhafi-Weddeye qui contraint celle-ci à évacuer le nord du pays. L’opération « Épervier » de sécurisation du nord du Tchad prend le relais de 1986 à 2014.

Soutenu par la France, Hissène Habré gouverne le Tchad jusqu’en 1990. Son régime despotique est sanglant et sa brutalité sans pareille contre tous les opposants, Toubous du Tibesti partisans de Weddeye et de la Libye ou Noirs sudistes saras. Les incendies de villages, les tortures et les assassinats politiques à l’origine de la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes entraînent la chute d’Hissène Habré.

L’un de ses généraux, Idriss Déby, un Touareg zaghawa de la région de l’Ennedi, le renverse en 1990, avec le soutien de la France.

Depuis 1990, le Tchad est gouverné par la famille Déby appartenant à la communauté des Zaghawas. Le père gouverne plus de trente ans, jusqu’en 2021, remportant cinq élections présidentielles successives. Idriss Déby renforce son influence dans la région sahélienne et au-delà par une diplomatie très active appuyée par la force militaire des combattants tchadiens mise au service des pays africains. Supplétif efficace de l’armée française au Mali, Idriss Déby obtient par ailleurs un soutien sans faille de la France.

Derrière la façade du multipartisme rétabli par Idriss Déby, le pays et ses richesses sont très largement sous le contrôle des clans zaghawas. Alors que le pays est classé à l’avant-dernière place à l’indice de l’indice de développement humain (IDH), il a été révélé que le clan au pouvoir a détourné 10 milliards de dollars pour les placer dans des paradis fiscaux.

*

Quelles conclusions tirer de cette brève description de cinquante années de l’histoire des États sahéliens ?

IV. La crise du Sahel

1. La quasi-faillite des États sahéliens

La réalité de base est que, dans cette Afrique sahélienne toute nouvelle, il règne encore le communautarisme ethnique et ses corollaires, le prestige du chef et la solidarité familiale et clanique. Le pouvoir ne se partage pas et n’est pas lié au nombre mais à la force du clan et à la puissance du chef. Les sociétés sahéliennes ont toujours fonctionné ainsi, quelles que soient les autorités en place. C’est pourquoi les démocraties sahéliennes, apparues dans les années 1990, sont des démocraties de façade, camouflant à peine l’appropriation du pouvoir par une petite faction, civile ou militaire, de la communauté dominante, qui accapare les biens publics et les distribue à sa clientèle. Derrière la façade démocratique se cache la réalité du parti unique ou dominant.

L’État sahélien dominé par l’ethnie dominante est sélectif.

Cet État « patrimonial » distribue le bien public aux siens et néglige la construction d’administrations territoriales, de services publics et de gendarmeries dans les immensités sahéliennes et sahariennes septentrionales. Les armées sahéliennes, parce qu’elles sont ethnicisées, gardiennes du groupe ethnique au pouvoir, sont désireuses à leur tour de s’approprier une part des bénéfices et, en cas de turbulence, veulent exercer elles-mêmes le pouvoir. Les armées sahéliennes, parce que prétoriennes, sont à la fois corrompues et putschistes.

Les économies restent immobiles, négligeant l’économie vivrière face à la désertification et à la sécheresse.

Plus de la moitié de la population sahélienne vit d’une agriculture restée traditionnelle, à l’exception de la production cotonnière. Par conséquent, les États sahéliens, avec un taux de 40 % d’extrême pauvreté (2 $/jour par habitant), ont le PIB par habitant et le taux d’alphabétisation les plus faibles d’Afrique. Ces pays sont en queue de classement de l’indice IDH, la toute dernière place revenant au Niger, alors même que le Sahel a le taux de fécondité le plus élevé au monde (5,5 enfants par femme et 6,7 au Niger) et que sa population doublera d’ici 25 ans, le Sahel devant passer de 135 millions à 330 millions d’habitants en 2050. Les pays sahéliens sont les plus pauvres et les plus féconds de l’Afrique.

Les finances et les aides internationales sont pillées par les clans et familles au pouvoir. Le Mali reçoit ainsi une aide internationale de 1 milliard de dollars par an, dont la traçabilité est obscure.

Surtout, parce qu’il y a « vide » de l’État, les nations ne peuvent pas se fabriquer. Le clivage ethnique existant à la naissance des États sahéliens s’accroît et se crispe. Face aux communautés ethniques dominantes, les communautés exclues sont tentées par la rébellion. Deux situations illustrent ce mécanisme. C’est l’abandon des populations touaregs du nord qui déclenche les multiples guerres touaregs du Mali et du Niger. C’est la compétition accrue dans les zones humides de la boucle du Niger entre pasteurs peuls circulant avec leurs troupeaux et agriculteurs noirs sédentaires qui est la source de conflits locaux négligés par les États et déclenche la rébellion peule.

Bref, cinquante ans après leur naissance, à l’exception de la Mauritanie, on ne peut que constater la quasi-faillite de tous les États sahéliens, quel que soit le régime politique en place, autoritaire, militaire ou démocratique.

Il ne manque qu’un détonateur à cette situation explosive. C’est, en 2010, le djihadisme sahélien. Dans les années 2010, s’opère une diffusion du djihadisme dans le corps malade des sociétés sahéliennes.

Le Mali est au cœur de ce chaos régional en marche.

2. Les débuts du djihadisme sahélien

L’addition de la grande faiblesse des États et des clivages ethniques des sociétés sahéliennes est un appel d’air en faveur du désert saharien qui redevient alors un espace de circulation intense, mais, cette fois-ci, au travers de deux activités : les trafics mafieux et la circulation du djihadisme.

Depuis les années 1990, il se développe une influence croissante de l’islamisme dans les populations sahéliennes frustes et appauvries, urbaines puis rurales. C’est la montée de l’idéologie salafiste dans les écoles et les sociétés. C’est l’influence de l’imam malien Mahmoud Dicko, d’origine peule et passé par l’université islamique de Médine, devenu la figure de proue du salafisme sahélien. C’est enfin le processus classique du passage du salafisme au djihadisme, illustré par le chef de guerre djihadiste Iyad Ag Ghali.

Le djihadisme sahélien trouve ses origines dans le djihadisme algérien.

En 1998, se crée en Algérie le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), organisation islamiste née d’une scission avec le GIA algérien dans les dernières années de la guerre civile algérienne. Le GSPC combat d’abord, dans le sud algérien, le nouveau pouvoir algérien installé après la guerre civile. En 2006, il s’affilie au mouvement djihadiste Al-Qaïda et en devient le vecteur au Maghreb, sous l’autorité d’Abdelmalek Droukdel et de Mokhtar Belmokhtar, un ancien de la guerre d’Afghanistan. En 2007, le GSPC change de nom et devient Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Tout d’abord repliée au sud de l’Algérie après l’impasse des années 1990 de la guerre civile, l’AQMI décide de se projeter au Sahel. Les liens stratégiques noués entre Al-Qaïda et l’AQMI, les liaisons personnelles établies entre Ben Laden, Abdelmalek Droukdel et Mokhtar Belmokhtar expriment clairement les vues maghrébines d’un Ben Laden conscient de la vulnérabilité de cette région face au discours djihadiste.

Mokhtar Belmokhtar et son partenaire Abou Zeïd, rendu célèbre pour l’enlèvement de multiples otages au Sahel, créent la branche sahélienne de l’AQMI. En 2005, ils montent une première opération meurtrière contre une caserne en Mauritanie, ce qui a un grand retentissement dans toute la région sahélienne. Dans les années qui suivent, l’AQMI accroît ses attaques en Mauritanie.

En 2009, l’AQMI se lance à la conquête de la zone frontalière entre l’Algérie et le Mali. Profitant du vide de l’État malien, l’AQMI algérienne établit une base arrière au nord du Mali, dans la région de Kidal. Il y pratique attaques contre des militaires et prises d’otages.

Mais, à cette époque, il se heurte à l’opposition des Touaregs de la région.

Au moment où se met en place dans la région sahélienne le début d’un djihadisme d’origine algérienne et dès les lendemains de la quatrième guerre touareg de 2009 au Mali, plusieurs mouvements touaregs ifoghas fondent le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). L’Azawad est le terme touareg signifiant « le territoire de transhumance » appliqué aux trois régions de Tombouctou, Gao et Kidal. L’objectif touareg a changé. Il est devenu politique. Il ne s’agit plus simplement d’une simple rébellion contre les discriminations, mais bien de la création d’un État azawad séparé du Mali. Le MNLA a un objectif politique et non pas religieux.  

Après les quatre révoltes de 1963, 1990, 2006 et 2009, la crise touareg explose de nouveau en 2012 avec la cinquième guerre démarrée par le MNLA à Ménaka.

2012 est le point de départ de la crise sahélienne actuelle.

La cinquième guerre touareg de 2012 est une guerre différente des précédentes. Elle se greffe sur le djihadisme de l’AQMI et connaît une extension régionale.

La « djihadisation » du conflit touareg a pour point de départ la « rencontre » entre l’AQMI et Iyad Ag Ghali, l’un des chefs de la puissante tribu des Ifoghas régnant sur Kidal et qui a déjà été l’organisateur des premiers groupes de combattants touaregs des années 1990. Iyad Ad Ghali fuit le Mali dans les années 1970 après les premières répressions menées contre les Touaregs et s’engage dans la Légion islamique libyenne de Kadhafi qui se veut le grand protecteur de l’ensemble des Touaregs.

Iyad Ad Ghali combat ainsi au Tchad aux côtés des forces libyennes. Puis, en 1990, il crée la première organisation rebelle touareg du Mali. Son objectif est alors une forme d’autonomie au sein de l’État malien. Il mène la seconde guerre touareg du Mali qui débouche sur l’accord de Tamanrasset de 1991 conclu avec Bamako sous l’égide de l’Algérie. Il dissout alors son mouvement et devient même un conseiller des présidents maliens Traoré et Konaré. Puis, revenu à Kidal, son fief d’origine, il fréquente les mosquées et se tourne vers le fondamentalisme islamique. Sa conversion est accrue par son voyage en Arabie saoudite et sa résidence dans une madrassa religieuse à Djeddah.

En 2012, au moment où la rébellion touareg ressurgit pour la cinquième fois sous l’impulsion du MNLA, mouvement indépendantiste touareg laïc, Iyad Ad Ghali se rapproche de l’AQMI algérien et crée un autre mouvement touareg et islamique, Ansar Dine, dont le projet n’est pas un Azawad indépendant, mais une république islamique dans tout le Mali. Il agit pour la formation d’une coalition entre l’AQMI, son mouvement touareg de l’Ansar Dine et le Mouvement pour l’unification et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), nouveau groupe armé djihadiste dont le socle est formé par les Arabes de la région de Gao.

Les armées maliennes, mises en déroute dès les débuts de cette nouvelle guerre, quittent le nord du Mali et laissent ainsi la moitié du pays sous le contrôle des différents mouvements en guerre. Mais les dissensions intestines entre les deux mouvements touaregs, laïc et religieux, MNLA et Ansar Dine, les conduisent à se combattre mutuellement pour le contrôle de Gao et de Tombouctou. Dans ces combats fratricides, Ansar Dine allié au MUJAO l’emporte sur le MNLA, chassé de Gao, de Tombouctou et de Kidal.

La coalition djihadiste affirme son objectif d’un émirat nord malien sur Gao et Tombouctou. L’ancienne capitale religieuse de l’islam sahélien, Tombouctou, devient alors le siège d’une administration islamiste radicale comparable à celle des talibans afghans, qu’illustrent la destruction des mosquées et mausolées de la confrérie soufie Qadiriyya et l’imposition de la charia, dont le film Timbuktu rend compte de façon saisissante. Cette fois-ci, la révolte touareg est bel et bien devenue une guerre islamiste, un nouveau djihad.

La débâcle de 2012 de l’armée malienne conduit au renversement du président Amadou Touré par des sous-officiers critiques de la gestion du conflit au nord.

En janvier 2013, les événements s’accélèrent. La nouvelle guerre touareg devenue une guerre djihadiste déborde pour la première fois de son territoire historique qu’est l’Azawad pour descendre vers les terres du centre du Mali, le Macina de la région de Mopti, en direction de la capitale Bamako.

Le 9 janvier 2013, Iyad Ag Ghali marche sur Bamako. Le 11 janvier 2013, à l’appel des autorités de Bamako, le président François Hollande décide de l’intervention de l’armée française contre les colonnes touaregs, sous couvert d’une résolution du Conseil de sécurité.

C’est l’opération « Serval ». Les forces françaises, avec l’aide de combattants tchadiens aguerris au combat dans le désert, stoppent les colonnes djihadistes, puis reprennent Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit. Des centaines de djihadistes sont tués et le reste des forces rebelles est repoussé vers le massif des Ifoghas ou se réfugie en Libye. L’opération « Serval » est militairement réussie et politiquement acclamée par la population de Bamako.

Opération Serval

Les responsables touaregs djihadistes loupent leur coup d’audace. « Serval » a tout son sens. Il s’agit de bloquer l’avancée vers Bamako de colonnes djihadistes qui auraient instauré, en cas de victoire, une sorte de califat islamique sur l’ensemble du Mali.

« Nous avons gagné cette guerre ! » s’exclame François Hollande en visite à Bamako. En fait, la guerre ne fait que commencer. La fin de l’opération « Serval » n’est que le début d’une décennie qui s’achève par le chaos dans tout le Sahel.

Le succès militaire français n’a de sens qu’à la condition d’être suivi par un processus politique de mise en œuvre d’une réforme territoriale à l’égard des populations du nord. C’est ce qui a été promis dans les premiers accords d’Alger ayant conclu la troisième guerre touareg, sans que ce soit tenu.

La même chose se produit après « Serval ». Le succès militaire français de « Serval » n’a fait que camoufler pour un court moment la déliquescence générale de l’État malien et l’impéritie de son armée, plus habituée aux putschs militaires qu’aux combats dans des territoires qui lui sont « étrangers ».

3. La régionalisation du djihadisme sahélien

A. Le Mali

À partir de 2013, le Mali devient le cœur d’un djihadisme sahélien qui gangrène l’ensemble du pays avant de se répandre dans les États voisins.

En 2013, le Mali, sauvé par l’intervention française, accueille la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies (MINUSMA), chargée d’aider à l’administration des zones libérées par les forces françaises.

Le Mali rétablit un régime démocratique avec l’élection, en août 2013, d’Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé IBK, universitaire démocrate, ancien Premier ministre du président Konaré. IBK s’affirme comme « le sauveur du pays » par sa volonté de dialogue avec le nord et les religieux musulmans.

Les nouveaux accords d’Alger sur la paix et la réconciliation conclus en 2015 entre le gouvernement malien et les différents groupes séparatistes touaregs, regroupés dans la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), semblent sceller la fin de la guerre civile au Mali. Ces accords d’Alger de 2015 stipulent le principe de la libre administration des populations des régions du nord, mais ne formalisent ni le principe d’un fédéralisme ni une autonomie. En attendant les réformes politiques promises, les rebelles touaregs conservent leurs positions à Kidal et Ménaka.

 « La guerre de libération du Mali est finie et la démocratie a repris son cours », affirme alors François Hollande. Le Mali devient la vitrine de la démocratisation de l’Afrique sahélienne et de la nouvelle coopération franco-africaine.

Cinq ans plus tard, le Mali tout entier est plongé dans le chaos. Que s’est-il passé après « Serval » ?

Simplement, le Mali a continué à vivre comme auparavant. Une « mauvaise gouvernance », pour reprendre le terme onusien, est au cœur de la crise malienne. Le régime démocratique d’IBK laisse perdurer le système de corruption et de népotisme sans mettre en place une politique de développement des régions déshéritées. Il fait preuve d’un immobilisme total dans la mise en œuvre des accords d’Alger, rejetés par la population du sud et de l’ouest.

La réélection difficile d’IBK en 2018, avec une abstention massive et face à une opposition accrue, exprime bien la fragilité de la démocratie malienne, masquant mal un régime corrompu et clientéliste, à l’image des frasques onéreuses du fils d’IBK, dans un pays où les ressources de 50 % des habitants sont en dessous du seuil de pauvreté.

Quant à la sécurité du pays, les choses empirent. Cinq ans après « Serval », le Mali est plus que jamais rongé par l’insécurité et les divisions ethniques.

En effet, après la défaite subie devant « Serval », les forces djihadistes maliennes se reconstituent. Un nouveau mouvement djihadiste se forme. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), animé par Iyad Ag Ghali, regroupe son propre mouvement, Ansar Dine, le MUJAO arabe, l’AQMI sahélienne et s’élargit à un nouveau groupe, Katiba Macina, aussi appelé Front de libération du Macina, formé par des Peuls du centre du Mali.

Le GSIM devient une organisation affirmant haut et fort son djihadisme. Sous couvert d’islamisation et d’affirmation d’un califat sahélien, l’objectif réel des Touaregs, des Arabes et des Peuls est de s’affranchir de l’État malien noir, « oppresseur », qui les a discriminés et réprimés depuis l’indépendance, et de retrouver l’autonomie des siècles passés. Le GSIM a une stratégie d’occupation et d’administration islamique des régions « faillies » de l’État malien.

À partir de 2015, le centre du Mali s’embrase à son tour. Le Macina, nom historique de la région de Mopti, siège de l’ancien royaume islamique peul, se soulève. Ce soulèvement est nourri au départ par les conflits récurrents au sujet des terres et de l’eau, et par la cohabitation difficile avec les Dogons, ce peuple noir précisément chassé du Macina au 19e siècle par les Peuls et revenu dans la boucle du Niger au moment de la colonisation française.

Peuls et Dogons, ces deux peuples adversaires, cohabitent de nouveau au Macina et retrouvent leurs anciens affrontements meurtriers. La constitution de groupes d’autodéfense peuls, dogons et bambaras entraîne exactions et massacres qui embrasent le Macina. Il faut dire que le gouvernement malien, sous l’autorité du Premier ministre Soumeylou Maïga, pratique une gestion très sectaire à l’encontre des Peuls, ce qui met encore de l’huile sur le feu.

Comme au 19e siècle, la bannière islamique sert de levier à la lutte des Peuls pour leur liberté de transhumance. Leur engagement dans des combats se fait sous l’égide du Front de libération du Macina (FLM). Amadou Koufa en est le leader en créant la Katiba Macina, un mouvement clairement fondé sur la revendication de l’ethnie peule et appelant au soulèvement de tous les Peuls où qu’ils se trouvent dans le Sahel.

L’année 2019 est l’annus horribilis de la crise sahélienne.

Le nord du Mali est devenu une « zone grise » contrôlée de fait par le GSIM. L’armée malienne ne s’y aventure plus. De plus, le conflit s’étend à la « région des trois frontières ».

Au centre du Mali, Amadou Koufa lie la Katiba Macina au mouvement Touareg Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali et fait allégeance à l’AQMI. La Katiba Macina impose de plus sa présence dans l’ensemble de la région centre en assurant la sécurité, en imposant la charia et en réglant les conflits communautaires.

L’encouragement par le gouvernement de Bamako à la formation de milices d’autodéfense dogons conduit au massacre d’Ogossagou anti-Peul de mars 2019 qui fait 200 victimes sous le regard passif de l’armée malienne et entraîne, en représailles, le massacre d’un village dogon en juin 2019.

C’est en 2019 que la contagion du conflit malien au Burkina et au Niger se développe de façon foudroyante. La stratégie du GSIM est clairement affichée dans le Manifeste de 2018 pour un djihad régional vers le sud, rédigé par Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa. Il s’agit de contrôler le Mali pour s’étendre au Burkina et au Niger par une exacerbation des clivages ethniques opposant Touaregs et Peuls aux Bambaras, aux Dogons, aux Mossis et aux autres peuples noirs sédentaires.

Cette extension du conflit djihadiste s’opère surtout dans ce que l’on appelle « la région des trois frontières », qui couvre le sud-est du Mali, le sud-ouest du Niger et le nord du Burkina. Dans cette zone frontalière des trois États, où existent de vieux conflits ruraux et locaux, « cohabitent » Touaregs, Peuls et populations noires songhaïs.

Ces différends interethniques débordent et se transforment en un conflit djihadiste. Des Peuls et des Arabes entrent dans l’État islamique dans le grand Sahara (EIGS), nouvelle mouvance radicale animée par Abou Walid al-Sahraoui, un « reguibat » du Sahara Occidental venu du MUJAO, rallié à Daech et reconnu par le « calife » de Daech. Abou Walid al-Sahraoui, violent et sanguinaire, terrorise les populations civiles.

Ainsi, en 2019, à la guerre touareg du nord Mali, s’ajoute la guerre peule au centre du Mali, puis son « exportation » dans la région des trois frontières.

Les deux États voisins du Mali, le Burkina et le Niger, sont également très fragilisés par cette guerre régionale.

B. Le Burkina Faso

Au nord du Burkina, en territoire peul, apparaît à partir de 2016 un terrorisme endogène mené par la Katiba d’Ibrahim Dicko, imam radical recrutant parmi les pauvres, les bandits, les déçus de l’État et de l’armée. Cette organisation, nourrie de l’influence prédicatrice salafiste, pratique le terrorisme contre les dirigeants traditionnels civils et religieux des villages.

Ce djihadisme burkinabé n’est en réalité que l’autre face de la faillite du Burkina. Le pays est politiquement affaibli par la décomposition d’une armée pourrie par le pouvoir politique exercé durant les trente années de la période Sankara-Compaoré, ainsi que par l’extrême fragilité d’un tout jeune pouvoir démocratique encore plus incapable que ses prédécesseurs d’instaurer la sécurité et le développement dans le nord du pays peul et touareg.

Le Burkina Faso est devenu un état « poreux » qui est la cible des Peuls de la Katiba Macina malienne, solidaire du mouvement peul burkinabé. Faute d’une sécurité assurée par le pouvoir central, les populations mossies organisent en conséquence des milices d’autodéfense. L’absence totale de l’administration et la faiblesse des forces armées burkinabées conduisent à une extension des attaques de la région nord du Burkina vers le sud, au-delà des zones peules et en plein pays mossi.

Ouagadougou perd le contrôle d’un bon tiers de son territoire. L’insécurité règne désormais à 100 km au nord de Ouagadougou. On a l’impression d’assister, en plein 21e siècle, au retour de l’histoire de la création des royaumes djihadistes peuls du 19e siècle.

La débandade militaire et le déni du gouvernement burkinabé conduisent au chaos qui précède la chute du président Kaboré en 2022. La chute du Burkina, verrou régional par rapport au golfe de Guinée, favorise le glissement du terrorisme vers la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana et le Bénin.

C. Le Niger

Au Niger, la situation se dégrade sur différents fronts.

En 2015, dans le sud-est du pays, le mouvement djihadiste Boko Haram (qui signifie « rejet de l’Occident »), implanté chez le voisin nigérian depuis 2002, s’installe autour du lac Tchad. Son objectif est de s’étendre vers le nord afin de faire une jonction avec le djihadisme sahélien.

Rappelons un point d’histoire qui éclaire la présence de Boko Haram au Niger. Toute la région à cheval sur le Niger et le Nigeria est peuplée de populations Kanouris, héritières de l’ancien royaume du Kanem. Ce royaume, fondé au 8e siècle sur le territoire du Tchad par une tribu Kanouri, est islamisé dès le 9e siècle. L’apogée de ce royaume musulman intervient au 16e siècle par son extension au Niger, au Tchad, au Cameroun et au Nigeria septentrional. Boko Haram retrouve ainsi aujourd’hui le chemin de l’ancien empire islamique du Kanem et s’en enorgueillit.

Dès les années 2010, le nord du Niger, où se trouvent les routes sahariennes à cheval sur le Niger et le Mali par la passe stratégique de Salvador, est tenu par différents clans touaregs et toubous notamment qui se font concurrence entre eux. Les uns se revendiquent de l’AQMI, les autres de Boko Haram. Il s’agit d’un « djihadisme mafieux ». L’objectif est de maîtriser les trafics transafricains dans cette zone carrefour entre les routes de l’ouest reliant le littoral africain au Mali et les routes de l’est en direction de la Libye, puis de l’Europe.

En 2019, dans le sud-ouest, le djihadisme peul qui sévit dans la « région des trois frontières » atteint les zones proches de la capitale de Niamey.

D. Le Tchad

Le Tchad n’est pas touché directement par la contagion malienne, comme le sont le Burkina et le Niger, mais il poursuit une route chaotique sous le régime d’Idriss Déby. Ce dernier doit faire face à trois fronts.

Le premier est une nouvelle révolte toubou au Tibesti.

Le second est une révolte ouverte dans l’Ennedi par des tribus Zaghawas menées par les neveux d’Idriss Déby et soutenue par Kadhafi. Ce soulèvement est neutralisé par l’aviation française.

Le troisième front est le fait des conséquences locales du conflit du Darfour ouvert en 2003 entre le régime arabe du Soudan et les tribus non arabes du pays. Les Zaghawas soudanais sont frères des Zaghawas tchadiens, ce qui provoque des affrontements entre les forces soudanaises et le régime d’Idriss Déby.

Idriss Déby est militairement et politiquement soutenu par la France tout au long de cette période de guerre civile accrue par l’intervention libyenne et soudanaise. Idriss Déby y perdra la vie, en avril 2021, en combattant les rebelles toubous du Tibesti.

V. Aujourd’hui, le chaos sahélien

1. Une situation sahélienne embourbée

En août 2020, le colonel Assimi Goita renverse le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, réélu difficilement en 2018 et contesté dans la rue par les grandes manifestations de juin 2020 organisées par le « mouvement du 5 juin » de l’imam Mahmoud Dicko au lendemain des résultats truqués des élections législatives.

Les colonels maliens installent un président de transition, écarté à son tour quelques mois plus tard. En mai 2021, un coup d’État dans le coup d’État est fomenté par les colonels contre les partisans de la transition démocratique. Le colonel Choguel Maïga, un militaire formé en Russie, devient Premier ministre du régime dirigé par le colonel Goita.

C’est la rupture de confiance entre Paris et Bamako, conduisant en juin 2021 à la suspension de la coopération militaire avec le Mali et à la fin programmée de l’opération « Barkhane » au Mali pour 2022. À l’automne 2021, la junte militaire fait accord avec le groupe militaire russe Wagner pour assurer sa sécurité en échange de la cession de mines d’or.

Il faut souligner que la nouvelle junte malienne, en continuité avec la politique malienne traditionnelle d’abandon du nord du territoire et des Touaregs, rejette l’application des accords d’Alger. Aujourd’hui, la tension est forte entre la junte de Bamako et la coordination des mouvements de l’Azawad.

En janvier 2022, au Burkina, une junte dirigée par le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba renverse le régime démocratique du président Kaboré. Celui-ci a été un président « immobiliste » devant l’effondrement sécuritaire au nord, illustré par le drame de la gendarmerie d’Inata en novembre 2021 où une cinquantaine de gendarmes sont tués alors qu’ils ne disposent ni de munitions ni de nourriture. Son déni de la situation et sa proximité avec la France ont nourri un climat antifrançais alimenté par l’héritage anti-impérialiste de Sankara.

Le Burkina voit le retour d’un régime militaire. En octobre 2022, le jeune capitaine Ibrahim Traoré dépose son compagnon d’armes Paul-Henri Damiba, enclin au maintien de la coopération avec la France. La junte actuelle est soutenue par la même foule qui a manifesté en 2014 pour la démocratie et contre Compaoré. Mais la nouvelle junte formée à l’automne 2022, constituée de capitaines, semble être en délicatesse avec l’état-major de l’armée constitué de « compaoristes » corrompus.

En janvier 2023, les drapeaux français sont brûlés dans les rues par des jeunes réclamant le retour du « sankarisme ». C’est le divorce de la coopération militaire franco-burkinabée sur le terrain, la fin formalisée de l’accord de défense franco-burkinabé et la fin de la présence des forces françaises de « Sabre » (400 hommes des forces spéciales installés depuis 2011). La question posée aujourd’hui est de voir si le Burkina va suivre la voie malienne avec la Russie et le groupe Wagner.

En juillet 2023, au Niger, une révolution de palais est initiée par le chef de la garde présidentielle, le général Abdourahamane Tchiani afin d’éviter son limogeage prévu par le président Mohamed Bazoum. Soutenue par l’état-major et une partie de l’opposition civile, syndicats et partis d’opposition, cette révolution de palais devient un coup d’État. Le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum est renversé et Tchiani prend le pouvoir.

C’est une surprise totale et un sérieux revers pour la France. Mohamed Bazoum est le modèle choyé par Paris d’un président sahélien démocratique et intègre, profrançais et antirusse, déterminé dans la lutte antidjihadiste. Le Niger, terre de refuge de l’EIGS, organisation affiliée à DAECH, est devenu à partir de 2020 le pilier de la sécurité régionale voulue par la France.

En deux semaines, la junte nigérienne a fait ce que la junte malienne a fait en un an. Sur fond de sentiment antifrançais latent au Niger mais désormais instrumentalisé par la junte pour qui la France doit « dégager », la coupure avec la France a été brutale. Or la France au Niger, c’est la grande base stratégique de Niamey avec ses avions Mirage et ses drones de combat ; et c’est l’uranium d’Arlit, principale source d’approvisionnement de la filière nucléaire française.

Ainsi, par trois fois, on voit les mêmes images, très médiatisées, de manifestations de foules soutenant à Bamako, Ouagadougou et Niamey, les nouvelles juntes militaires, mais aussi de manifestations antifrançaises – et prorusses – devant les ambassades ou dans les rues, critiquant tout à la fois le soutien apporté aux présidents jugés corrompus et incapables, et l’inefficacité de Barkhane pour rétablir la sécurité dans les territoires en guerre.

Le Tchad demeure calme pour le moment, mais la « succession » au sein de la famille Déby demeure fragile. « Déby Junior », qui a succédé à son père, fait face à la hiérarchie militaire et à la rue alors que la répression sanglante des manifestations d’octobre 2022 pèse encore dans le climat politique.

2. Et la France ?

C’est un fait que la France vient de connaître un double revers au Sahel. La force Barkhane a échoué dans sa mission de sécurisation du Mali, du Burkina et du Niger. L’image de la France s’est sensiblement détériorée tant auprès des populations que des nouveaux dirigeants maliens, burkinabés et nigériens.

La France aurait-elle dû arrêter d’agir après l’opération Serval ?

L’euphorie française à la suite de la réussite de Serval a conduit à lancer l’opération Barkhane. Si Barkhane a échoué, c’est que l’opération était impossible. Barkhane ne pouvait pas être un puits sans fond. Barkhane, ce n’était pas simplement une force française déployée au Mali, au Burkina et au Niger. Les 4 000 soldats français ne pouvaient pas, à eux seuls, rétablir la paix dans une région presque aussi vaste que l’Europe occidentale. Barkhane était une coalition de quelques milliers de soldats français et des armées nationales des pays sahéliens impliqués dans le conflit. L’armée française devait simplement constituer une force de « containment » des groupes djihadistes au nord du Mali, en complément de l’activité des armées malienne, burkinabée et nigérienne, chargées de la sécurisation de leur pays. Ces forces armées nationales n’ont jamais rempli leur mission de base. Malgré les aides financières et techniques apportées par la France et par quelques pays de l’Union européenne, ces forces armées sont restées faibles, inorganisées, corrompues et inaptes au combat. L’illustration en a été donnée par l’échec total de la formation de ces armées par la mission militaire de l’UE.

Opération Barkhane

Les 4 000 soldats français ne pouvaient rien face à des gouvernements inefficaces et des armées nationales déliquescentes. De 2013 à 2020, ce furent sept années de perfusion militaire et financière du Mali, du Burkina et du Niger pour rien, sinon le soutien de régimes inefficaces et corrompus.

« La France ne peut pas se substituer au choix des États souverains, c’est un travail sans fin », déclare, enfin, Emmanuel Macron en juin 2021, au lendemain de la crise ouverte avec le Mali. D’où le retrait de Barkhane du Mali achevé en août 2022 et la décision française du retrait du Niger annoncé en septembre 2023 à la suite du coup d’État nigérien de l’été 2023.

Il est absurde de comparer la situation des Américains en « Afghanistan » et celle des Français au Sahel. Il demeure aujourd’hui 1 500 soldats français au Tchad, sans parler des forces prépositionnées au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Quant aux « talibans sahéliens » que sont les groupes djihadistes du GSIM et de l’EIGS, s’ils contrôlent une partie des territoires, ils n’ont pas pris le pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey et ne sont pas en passe de le prendre.

Cela dit, le Sahel est plongé dans un chaos profond. Ce chaos, imputé à la France par une partie des populations et par les armées malienne, burkinabée et nigérienne, est pleinement de la responsabilité des États sahéliens, de leurs dirigeants et de leurs peuples, incapables de bâtir « un vivre ensemble ».

Ce chaos ne disparaîtra pas par l’action militaire. C’est la leçon à tirer du bilan de Barkhane. De ce point de vue, s’il y a une similitude entre l’échec américain en Afghanistan et l’échec français au Mali, c’est la similitude de l’impossible construction par l’extérieur d’un état « failli ».

C’est ce qui fera demain l’échec de la présence de la force russe de Wagner, totalement inefficace dans les régions où elle est déployée au Mali. Il existe aujourd’hui une « syrianisation » du Mali, du Burkina et du Niger, c’est-à-dire une fragmentation de ces États entre de multiples forces toutes incapables de dominer l’ensemble du territoire, qu’il s’agisse des armées nationales, des groupes djihadistes ou des forces russes de Wagner.

Au Mali, maintenant que les forces françaises se sont retirées et malgré la présence des paramilitaires du groupe Wagner, les mouvements rebelles circulent plus facilement et agissent davantage au grand jour. Le GSIM est désormais implanté dans le sud du pays et s’est rapproché de la capitale, comme l’illustre l’attaque par la Katiba Macina du camp de Kati à 15 km de Bamako où résident les dirigeants actuels du pays, le colonel Goita et son ministre de la Défense, Aboubacar Sidiki Camara. Au nord du pays, alors que les mouvements touaregs se sont retirés en décembre 2022 de l’accord d’Alger en dénonçant son inapplication par Bamako, l’armée malienne a décidé de profiter du départ des forces françaises et de la force de l’ONU, la MINUSMA, de la région de Tombouctou-Gao, pour prendre sa revanche du désastre militaire de 2012 et reconquérir le nord, notamment Kidal. Ainsi, faisant fi des accords d’Alger de 2015 qu’elle n’a jamais vraiment acceptés, l’armée malienne, après avoir chassé les forces françaises et la force de l’ONU, revient à son obsession première : la soumission par la force des populations du nord du pays.

3. Quel avenir ?

Le chaos sahélien est politique, avant d’être militaire.

Il y a une crise structurelle des États sahéliens. Tout est pourri dans ces États.

Les élites politiques, issues des ethnies dominantes et toutes gangrénées par le népotisme et la corruption, sont incapables de bâtir des États et de fédérer des nations.

Les élites militaires, également issues des ethnies dominantes et peu désireuses de partager le pouvoir et ses bénéfices matériels, sont incapables de se battre pour rétablir la sécurité de leurs nationaux.

Et les mouvements djihadistes ne sont pas des forces d’alternance politique, mais un assemblage hétéroclite de contestations ethniques et régionales, d’activités mafieuses et de discours religieux islamiste.

Le djihadisme sahélien a trois visages : l’islamisme, le trafiquant et la revendication ethnique. La frontière entre le combattant djihadiste, le trafiquant armé et celui qui prend les armes pour défendre sa communauté est floue. En effet, les différentes tribus sahariennes maliennes et nigériennes sont devenues aujourd’hui les maîtres des nouveaux trafics sahariens du haschich et de la cocaïne débarqués sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest à destination de la Méditerranée et de l’Europe, et entendent bien le rester. Le MUJAO, notamment, gère le transit saharien de la cocaïne venue du golfe de Guinée. Elles n’ont donc aucun intérêt, pour continuer à faire leurs affaires, à ce que la sécurité et l’ordre public règnent dans la zone saharienne.

Depuis les indépendances, l’histoire du Sahel est celle de la non-fabrication d’États, de la non-construction de nations et de la non-émergence d’économies modernisées. Le résultat de cinquante années d’existence est le grand désordre actuel que personne ne peut maîtriser, ni la France, encore moins la Russie, ni même les juntes militaires actuellement au pouvoir.

La région du Sahel va mal, et c’est d’abord la crise des États sahéliens.

La situation actuelle du Sahel donne du poids à l’afro-pessimisme. Oui, l’Afrique est mal partie. Pourquoi ?

Disons-le en une phrase : l’Afrique est toute neuve.

Si l’histoire des peuples de l’Afrique est millénaire, l’histoire des États africains a à peine 60 ans. Et l’Afrique issue de la décolonisation connaît aujourd’hui, à sa façon, l’histoire tourmentée et les péchés de jeunesse qu’a connus au 19e siècle la jeune Amérique latine tout juste émancipée de l’Espagne et du Portugal.

C’est le sens de la phrase d’un ancien ministre centrafricain sur « l’Afrique, première responsable de ses malheurs ». Les États africains, encore très jeunes, n’ont toujours pas stabilisé leurs institutions et leurs sociétés.

 

Jacques Huntzinger

Le 18 janvier 2024

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